La société Way Industries A.S., spécialisée jusqu'à présent dans la fabrication de bulldozers et de véhicules de déminage, vient de présenter le système Božena Riot, dédié cette fois à la lutte anti-émeute et l'encadrement des manifestations publiques. Il s'agit d'un véhicule blindé léger, robotisé et télécommandé à distance par un opérateur des forces de police. Celui-ci peut déployer un mur d'une hauteur de 3,25 mètres et d'une largeur ajustable de 4,5 à 7,5 mètres afin d'accomplir, de jour comme de nuit, les missions suivantes: obstruer complètement l'accès d'une rue à défendre, canaliser les cortèges de manifestants et protéger les forces de l'ordre.
L'ensemble de ce mur est couvert de meurtrières permettant aux forces de l'ordre de tirer et le système est renforcé par la présence de caméras vidéos, remplissant une mission de surveillance mais aussi d'enregistrement de toutes les scènes se déroulant face à ce mur mobile et blindé. La structure du véhicule est celle d'un petit bulldozer ce qui lui permet de franchir les obstacles en force et de se déplacer très rapidement.
Les vidéos accessibles ici donnent une idée assez précise des possibilités d'emploi et des capacités de cet appareil, premier du genre: http://www.bozena.eu/video/
Ce produit a déjà gagné, en mai 2010, le grand prix de l'exposition internationale de Défense à Bratislava, où il a été présenté pour la première fois au public. À cette occasion, la république slovaque a commandé 50 unités de ce système. Avec l'Eurosatory, le système Božena Riot a pu toucher un public encore plus large de décideurs politiques et militaires du monde entier.
Il est clair que l'arrivée de ce type d'engin va profondément bouleverser la tactique du maintien de l'ordre, puisqu'il ne sera plus nécessaire de mettre 80 CRS en ligne face aux manifestants pour leur barrer le passage.
Mais comment réagiront les foules face à une telle démonstration de force?
L'impact psychologique du déploiement de ce type d'engins dans les rues et face à des manifestant s'avérera probablement, à l'usage, être à double tranchant. Si ce système est sans nul doute capable d'engendrer davantage de peur que ne le font déjà les équipements"à la Robocop" des forces de l'ordre, CRS ou gendarmes mobiles, il incarne aussi une forme d'autoritarisme et d'autisme propre à déchaîner la colère, les haines et les violences de ceux auxquels il sera opposé.
Sur ce point, le film de Richard Fleischer, Soleil Vert (1973), illustre certainement au mieux cette ambivalence de la peur et de la colère née de l'utilisation de machines contre la foule (voir cet extrait, vers 2'49''):
Il est compréhensible que les forces de sécurité voient, raisonnablement, l'arrivée d'un tel outil avec bienveillance du fait de l'avantage tactique considérable qu'il leur prodiguera. Mais ne s'attacher qu'à cette perspective équivaudrait alors à faire fi des conséquences psychologiques, du point de vue émotionnel et du lien social, que ce mur risque de générer. Il y a véritablement là matière à détériorer encore le lien entre la foule et les gardiens de l'ordre, et surtout crisper davantage les tensions sociales.
Trivialement, on se souviendra que jamais l'usage d'un mur ne s'est avéré être une solution valable et durable. Hasard ou ironie de l'histoire, c'est aussi près de Bratislava que l'on peut trouver un monument commémoratif à la mémoire de celles et ceux qui tombèrent en tentant de franchir le "rideau de fer". Comme son tristement illustre prédécesseur, il est à craindre que l'engin créé par Way Industries, ce nouveau mur de fer, devienne le symbole contemporain de la séparation entre deux mondes, de la privation des libertés et de la lutte des classes sociales.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire